HOMELIE
DONNEE LE 15 NOVEMBRE 1981 PAR L’ABBE PIERRE
pour la fête patronale de Saint-Saëns.
Le texte de son homélie, reproduit
ci-dessous, est présenté " brut de coffrage ",
c’est-à-dire sans aucune correction de style, ni
aucune modification susceptible de l’altérer ou de
la dénaturer. Il a paru bon en effet de lui
conserver le rythme et le phrasé d’une parole qui se
développe comme une méditation à coeur ouvert, se
déroulant à la manière d’un poème de Péguy. (Cl .F.)
"N’être pas
seulement des croyants, mais de ceux qui
rendent croyable ..."
D’abord mes frères, je veux vous dire une confidence :
c’est une joie très grande pour moi, à la fois d’avoir
vu la beauté de votre église, la beauté de vos chants et
la beauté de votre liturgie. Vous tous, les
enfants qui êtes là nombreux, c’est important, il est
sage, il est normal que la liturgie, la recherche
de symboles pour exprimer ce que les mots ne peuvent pas
suffire à dire, pour exprimer communautairement tous
ensemble un grand amour, une grande espérance, c’est
normal que ces symboles s’adaptent pour être
compréhensibles, pour véritablement parler, c’est une
joie, je vous le dis, très profonde dans mon cœur, de
voir la beauté avec laquelle, vous assemblant ainsi,
vous chantez la gloire de Dieu.
Mais ce à quoi nous allons réfléchir ensemble, ce matin
pendant un petit peu de temps, ce sont des réalités, des
réalités sur lesquelles il ne faut pas nous faire
d’illusions, des réalités graves qui demandent du
courage mais le courage qui conduit vers la joie.
Il y a un instant vous avez répété et vous l’avez,
selon votre âge, combien de centaines et de milliers de
fois, répété déjà et peut-être sans jamais en avoir
complètement mesuré la force et la provocation, vous
avez répété dans le chant du Gloria la plus belle parole
d’amour qui puisse exister, vous avez dit une fois
encore : " Père nous te rendons grâce, nous te
disons merci " merci de quoi ? Merci pour quelque cadeau
que nous aurions reçu ? c’est bien plus beau c’est la
plus prodigieuse parole d’amour qui puisse exister :
Père nous te disons merci pour ton immense gloire. C’est
un petit peu comme serait un petit enfant qui saute au
cou de sa maman dans un mouvement de tendresse
débordante pour lui dire " merci maman parce que tu es
toi " ! Merci mon Dieu pour ton immense gloire.
Oh mes frères, mes sœurs, nous sommes prodigieusement
privilégiés mais aussi tellement gravement responsables
de par ce privilège, ce privilège que nous n’avons pas
mérité, qui est un mystérieux don de Dieu, le privilège
de croire, la foi, nous avons, petit nombre minuscule
dans la multitude de l’humanité, connu la plénitude de
la Révélation. Oh n’en connaissent la révélation pas
seulement comme nous l’avons parfois orgueilleusement
pensé, pas seulement ceux qui ont eu connaissance de la
Bible, de l’Ancien Testament puis du Nouveau, de
l’Incarnation, de la personne de Jésus, de ses actes, de
ses paroles. Oh non, la révélation elle est bien plus
vaste que ça : dès l’instant où a existé une véritable
personne humaine, c’est-à-dire un être qui n’était plus
seulement une chose qui possédait un mouvement de
liberté, c’est-à-dire de possibilité soit de n’aimer que
soi-même, idolâtre de son moi, soit car c’est là la
liberté qui fait que l’homme est tout autre que
n’importe quelle chose, soit la possibilité d’aimer,
d’aimer c’est-à-dire quand tu souffres toi l’autre j’ai
mal et je ne me contente pas de pleurnicher mais parce
que j’aime et j’ai mal de ton mal, toutes mes forces se
lèvent pour nous guérir ensemble de ton mal qui est
devenu le mien.
Dès l’instant où il y a eu un commencement de liberté,
le premier être " homme ", la révélation a commencé,
l’Esprit Saint n’a pas attendu, ce souffle du Père et,
du Père et du Fils dans l’Eternel s’aimant, ce
débordement d’amour produisant ce que par des mots
symboliques nous appelons l’Esprit, littéralement
l’Esprit c’est le vent, le souffle, comme du baiser de
deux personnes qui s’aiment, les mystiques n’ont pas
hésité à exprimer ainsi ce que veut dire l’Esprit Saint,
ce souffle a parlé au fond de tout être humain, au fond
de son cœur sans jamais le contraindre pour lui dire "
si tu veux tu peux, pendant ce petit peu de temps qu’est
la vie, ce petit peu de temps qui t’est offert, tu peux
si tu veux, rien ne t’y contraindra, tu peux apprendre à
aimer, à aimer pour le toujours de l’au-delà du temps ".
Cette révélation, elle est à travers toute l’humanité ;
mais nous, nous avons ce fantastique privilège d’avoir
par la connaissance de l’incarnation, de l’humanité que
l’Eternel Amour a voulu prendre, pour être comme nous ,
dans nos joies et dans nos larmes, pour être comme nous
et souffrant jusqu’à en mourir dans les horreurs de la
Passion, souffrant par la conséquence de toutes les
trahisons, de tous les refus d’aimer, des êtres
libres, des hommes auxquels l’Eternel donnant la
liberté, avait donné la destinée, la vocation de
répondre à son amour.
Mes frères, vous le savez bien, nous qui avons le
privilège d’avoir la certitude que l’Eternel est Amour,
nous qui sommes les croyants, les seuls croyants qui
méritent le respect, ne soyez jamais d’autres que
ceux-là, non pas le croyant tout court, le croyant les
yeux fermés, nous qui avons ce privilège, si nous sommes
de vrais croyants et de vrais hommes, nous qui avons ce
privilège d’être des croyants quand même, c’est-à-dire
des êtres humains blessés devant la connaissance que
désormais ces techniques modernes nous imposent la
connaissance de la réalité de l’univers entier, nous qui
ne pouvons pas ne pas être blessés autant que n’importe
quel homme, en connaissant l’accumulation innombrable
des victimes, des innocents broyés exploités,
injustement traités ou tout simplement négligés, oubliés
par les privilégiés ou par ceux qui ont quelque pouvoir
, nous qui blessés comme tous les autres hommes, par
tant de douleurs, mais nous qui avons le privilège
d’être certains quand même, que l’Eternel est Amour,
malgré tout ce qui semble nier son amour, vous le savez
bien quand nous chantons dans notre foi " Gloire à Dieu
", nous entendons autour de nous, tous les jours, de nos
frères et de nos sœurs, très bons, affamés de bien, de
justice, de vérité, quand nous chantons gloire à Dieu
dans notre foi, nous entendons ces frères et sœurs
sincères nous dire " Tais-toi ".
Il y a toujours eu des orgueilleux, ceux qu’on appelait
les esprits forts, les crâneurs, pour refuser Dieu, ne
pouvant pas supporter de se voir dépendants, créatures,
comme serait un enfant qui n’accepterait pas d’être
après son père et sa mère, il y a toujours eu de
ceux-là.
Mais vous savez bien que c’est autre chose aujourd’hui.
Parmi les innombrables de nos frères et sœurs, très
bons, très sincères qui nous disent " Tais-toi ! ", il y
a parmi les meilleurs, et ils nous disent " Tais-toi "
parce qu’ils nous disent " comment peux-tu,
maintenant que toi comme nous tu connais tous les
malheurs du monde, les horreurs, comment peux-tu encore
dire et chanter gloire à Dieu ".
Mon ami le romancier Albert Camus me confiait jusqu’à
ses derniers jours " jamais je ne pourrai accepter un
Eternel créateur d’un monde dans lequel pleurent
tant de petits enfants innocents " Ils sont sincères,
ils nous disent " dire gloire à Dieu pour la beauté des
étoiles qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? " " Bien
sûr c’est beau les étoiles, mais il y a trop de larmes
d’innocents ; toutes ces larmes éteignent le beauté des
étoiles ", ils insultent la gloire de Dieu et ils nous
disent dans leur sincérité : Comment pourrais-je
dire " Notre Père " ? ils nous disent dans leur
sincérité " quel est le père qui verrait tant souffrir
dans le monde, qui verrait tant souffrir ses enfants,
qui serait tout-puissant, et qui apparemment serait
indifférent ? "
Le croyant, croyant quand même, nous les privilégiés de
la foi, nous sommes dans le monde aujourd’hui petit
nombre, comme un enfant qui verrait son père accusé,
comme un enfant qui verrait ses frères et sœurs
répondre, scandalisés par le père incompréhensible. Un
jour il y a déjà longtemps, on m’a appelé dans un pays
scandinave, dans l’université d’Upsala en Suède, parce
qu’il y avait une épidémie de suicides d’étudiants. Et
un garçon, très intelligent, très bon, très loyal, dans
la confidence m’a dit " Père, maintenant que j’ai pu
faire tant d’études, que je connais tant la réalité du
monde entier, pour moi m’a-t-il dit Dieu c’est le
tout-puissant incapable, et l’homme n’est rien ".
Pendant des années, j’ai porté en moi comme une
blessure, la confidence sincère, cet horrible blasphème,
et qui n’était rien d’autre que l’écho du désespoir, et
puis un jour, mes frères, dans la vie qui est la mienne,
qui me fait tantôt travailler avec les plus grands de la
terre et vivre avec les plus pauvres, un jour j’ai
compris que la vérité, dont nous sommes les porteurs,
que nous avons la tragique responsabilité de faire voir,
n’étant pas seulement des croyants mais des croyables,
j’ai compris que la réalité, la vérité elle n’est pas
que le Tout-Puissant, à l’image de ce qu’est un homme
puissant, serait un dominateur ; la réalité qui nous a
été révélée c’est que l’Eternel parce qu’il est Amour,
est tout-puissant, oui, mais tout-puissant prisonnier.
Qu’est-ce que c’est l’Amour ? c’est n’avoir plus qu’un
but : entendre l’autre que j’aime, répondre à son tour
moi aussi je t’aime, et celui qui aime le premier, la
fille ou le garçon qui aime, qui ne vit plus que pour
entendre l’autre lui répondre moi aussi je t’aime, à
partir de l’instant où ils s’aiment, est-ce qu’ils ne
savent pas qu’ils sont prisonniers de la liberté de
l’autre, qui est l’unique valeur réelle de l’autre,
est-ce celui qui aime le premier ne sait pas que, si
stupide, il terrorisait l’autre, et n’obtenait pas la
réponse : moi aussi je t’aime, que d’une personne qui
tremblerait, qui aurait peur, est-ce qu’il ne sait pas
qu’il aurait détruit toute valeur de ce qui était devenu
pour lui : tout. L’amour rend prisonnier, l’Eternel a
risqué sa gloire en créant des êtres libres, pour que
soit possible une réponse d’amour à son amour.
L’Eternel aurait pu faire un monde dans lequel il n’y
aurait jamais aucun être, quelque automate, pour quoi
faire ? Est-ce que l’Eternel aurait besoin de jouer pour
s’amuser ? Si l’Eternel existe, il est amour : s’il est
amour, il ne peut rien faire qui ne culmine, qui ne se
termine dans des capacités d’aimer, dans des libertés.
Nous avons à révéler au monde qu’on l’a trompé, pas
seulement lorsqu’on a brisé des libertés, en
emprisonnant injustement des victimes. On a trompé le
monde, et notre partie du monde, gravement, depuis
l’époque où l’on a commencé à crier " la liberté, voyez
comme elle est belle ! " Et à prétendre qu’elle était un
but. " Etre libre, pour être libre ", c’est la
définition même de Satan ! Ce n’est pas vrai que
la liberté est un but, elle est le moyen ! image
de Dieu en nous, le moyen sacré qui nous rend capable
d’aimer : " Si tu veux, sans que tu y sois contraint,
avoir mal avec celui qui a mal, vouloir ta joie
dans sa joie, sa joie dans la tienne et par contagion,
l’entraînant à la certitude, la foi ; la certitude que
le temps nous conduit vers la réponse à notre faim et
soif d’être capable d’aimer, d’être aimé ".
Oh mes frères, c’est ça notre responsabilité, de crier
au monde que l’homme a été trompé. Lorsque dans un livre
que vous pourrez trouver à la sortie de l’église,
j’ai voulu qu’on lui mette en sous-titre " venger
l’homme ", venger Dieu en aimant, c’était pour faire
prendre conscience de cela : l’homme a été trompé,
Dieu a été bafoué lorsqu’on l’a présenté parce que
puissant comme dominateur. Il est le puissant
prisonnier, captif, et qui nous crie " moi seul, j’ai
tant respecté l’homme, que j’ai risqué ma gloire et que
je suis venu par le seul moyen : partager sa
condition jusqu’à mourir de ses refus d’aimer". Et
j’entends le Seigneur me dire : " des hommes m’insultent
en me disant où est ta miséricorde ? " mais il me dit du
haut de la croix, ses mains prisonnières, ses mains
clouées, montrant le tout-puissant, captif volontaire,
il nous crie " mais ma miséricorde ne peut venir dans ce
monde qu’à travers ta miséricorde ". Devient
miséricordieux le cœur qui partage la misère de
l’autre. Alors, à travers ta miséricorde, la mienne
pourra ruisseler à travers le monde et le transformer.
Oh vous tous, et vous surtout les jeunes, les
filles et les garçons, qui entrez dans la vie : soyez
dans la joie, votre vie sera dure, la nôtre aussi elle a
été dure, votre vie sera dure, et pourtant je vous le
crie, vous qui êtes jeunes, qui commencez votre vie,
dans un temps où Dieu merci, se trouve renversée,
brisée, une idole dont même nous les croyants, les
pratiquants, nous avions été si souvent les victimes,
cette idole qu’on appelait la croissance, avoir plus,
toujours plus, toujours plus pour quoi, quoi, quoi, ma
réussite, ma carrière, cette société là, c’est une
grande illusion de penser qu’elle traverse seulement une
brève crise, et que, par miracle de changement
politique, quelque événement, tout d’un coup, ça
s’arrêtera, c’est pas vrai, ce qu’on appelle la crise,
l’arrêt de l’enrichissement pour les plus riches, il y
en a pour longtemps avant que cela ait disparu. Vous
entrez dans un temps où nous serons tous obligés, ou
bien ce sera la révolte, toutes les formes de conflits
et de carnage, et d’autres destructions du monde. Nous
entrons, vous commencez votre vie, dans un temps où Dieu
merci, nous n’aurons pas d’autre choix que de
chercher avec intelligence, comment faire d’autres
partages : partage du temps de travail, partage du
revenu du travail, création de nouvelles occupations,
qui seront créatrices d’art, d’artisanat, et en même
temps, renaissance d’adoration.
Malheur à nous, si continue la multiplication des
sectes, jusqu’à la drogue, où s’enfuient des filles et
des garçons, parce qu’ils ne croient plus dans la vie,
parce qu’ils ne croient plus dans une valeur de liberté
qui serait sa propre fin et qui désespèrent, et c’est
notre responsabilité à nous qui avons reçu la plénitude
de la révélation de l’Eternel Amour, qui est tant amour
qu’il se fait notre captif, c’est notre responsabilité
de rendre tout cela croyable. Lorsque nous arriverons,
et pour moi je suis plus près de cette heure que du
commencement de ma vie, lorsque pour chacun de nous,
nous arriverons à l’heure de la fin du temps, de
la fin de l’ombre, de la plénitude de la lumière, ce
qu’on appelle le jugement, pour ceux que l’on dit
damnés, cela ne signifiera en aucune façon quelque
vengeance de Dieu, c’est bien plus grave que cela, la
plénitude de la lumière soudain se faisant, nous nous
verrons tels que nous nous serons faits pendant le temps
de notre vie. Nous nous découvrirons ou bien
stupides, suffisants, ayant voulu quoi quoi quoi ? ma
réussite, mes proches, les autres je m’en fiche ; et
nous entendrons l’Eternel nous dire : tu as prétendu te
suffire, suffis-toi. Comme devoir à perpétuité se
regarder dans la glace, tout seul. La damnation, le mot
damné veut dire sécateur : qui coupe la branche ; ce
n’est pas l’Eternel qui par châtiment le fera : c’est
nous qui l’aurons fait pendant le temps de notre
responsabilité. Ou bien à l’heure de la lumière, nous
nous verrons, malgré tous nos péchés, nous nous verrons
ayant cherché à être communiants, tu as mal – j’ai mal,
et ensemble on va chercher à retrouver la joie,
ensemble. Alors l’Eternel pourra dire : " Viens, tu es
mon enfant ".
Je termine en disant quelque chose à quoi j’ai souvent
pensé : il est de tradition dans la foi chrétienne que
la vierge Marie est l’avocate des pécheurs. Oh oui,
c’est vrai, nous sommes tous pécheurs, nous avons besoin
de compter sur la tendresse d’une maman pour que nous
soient pardonnés nos péchés. Mais la Vierge Marie parce
qu’elle est maman, elle peut être l’avocate de tout
péché, sauf d’un : l’Evangile nous a avertis : tout
péché peut être pardonné, sauf un, le péché contre
l’Esprit, contre l’Esprit qui est amour. La Vierge Marie
elle est comme une maman de famille nombreuse qui aurait
été pour un temps obligée de s’éloigner, et qui aurait
dit à ses grands, à ses aînés de ses filles et de ses
garçons : pendant que je ne serai pas là, soyez sages,
travaillez bien, mais surtout, surtout, occupez vous du
tout petit, qui peut pas tout seul, tout petit.
Quand la Vierge Marie, la maman est de retour, si elle
voit que ses grands, sans doute, ont été peut-être très
sages, sans doute ont été peut-être très travailleurs,
mais insensés, ont laissé dépérir, abandonné, peut-être
mourir le tout petit, comment alors, parce qu’elle est
maman, comment pourrait-elle, devant la colère du père,
faire autre chose que rester muette.
Oh mes frères, remercions Dieu, de ce qu’il y ait des
vocations, sous des formes très diverses, de toutes
sortes de nouvelles, parfois vocations de couples ou de
familles entières, vocations, qui beaucoup plus
qu’on ne le croit, ressurgissent pour le service de la
mission : réjouissons-nous en, entraidons-nous afin que
chacun à notre place, dans notre vocation, dans notre
profession, nous ne trahissions pas notre mission.
Allons, accomplissons notre mission, que l’humanité tout
entière attend, de n’être pas seulement des
croyants, mais de ceux qui rendent croyable pour
tous, que c’est vrai, que l’Eternel est Amour,
puisque nous, ses amis, nous vivons pour essayer
d’aimer.
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